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Alumni en Géographie de l'Université de Liège

Portraits d'ancien

31/01/2019

Sophie Hage

Sophie Hage, PhD Student (Doctorante) au National Oceanography Centre Southampton (NOCS) à l’Université de Southampton

Article publié dans le bulletin 2019, N°1

Retour sur son choix quant à sa profession de géographe :

Master en sciences géographiques, finalité géomorphologie
PhD Student (Doctorante) au National Oceanography Centre Southampton (NOCS) à l'Université de Southampton

Peux-tu nous résumer ton parcours ?

Grâce à des parents voyageurs, j'ai depuis toute petite été passionnée par la nature, les formes du relief et la compréhension du monde en général. Tout a commencé en 2009 lorsque j'ai obtenu mon diplôme de secondaire spécialisé en Latin-Mathématiques-Sciences au collège St-Barthélemy de Liège. Mon attrait pour les voyages et les sciences m'a ensuite orientée vers un cursus en sciences géographiques, que je voyais comme la discipline scientifique la plus ouverte vers le monde. Ma vision s'est confirmée pendant mes 5 années d'études durant lesquelles j'ai eu la chance de parcourir la Belgique, la Baie de Somme, l'Eiffel, les Vosges et les Dolomites afin de réfléchir sur des sujets allant de l'aménagement urbain jusqu'à la dynamique des cours d'eau au passé glaciaire. J'ai ensuite obtenu mon diplôme de master en sciences géographiques, finalité géomorphologie en Juin 2014.

Mon mémoire de master a porté sur les processus de mise en place de dépôts sédimentaires liés à des tremblements de terre dans le Lac Hazar (le long de la faille Est-Anatolienne en Turquie). Ce mémoire basé sur des carottes sédimentaires et cartes de fond lacustres fut une révélation pour moi. Je trouvais fascinant ce que pouvaient raconter des sédiments vieux de plusieurs milliers d'années sur le passé terrestre. Ma passion pour cette étude m'a permis de publier mon premier article scientifique dans une revue internationale (Hage et al., 2017, Sedimentology). Ma promotrice de mémoire, Aurélia Hubert-Ferrari, m'a ensuite encouragée à postuler pour un poste ouvert en tant que doctorante (PhD student) dans le groupe « Sedimentolgy and Marine Geohazard » du National Oceanography Centre Southampton (NOCS) en Angleterre. Après avoir passé le premier tour de candidatures écrites, j'ai subi une série d'entretiens par Skype et une invitation ultime pour un entretien au NOCS. J'ai obtenu mon poste de doctorante en Juin 2015.

Illustration d’un courant de turbidité sous-marin. ©Open UniversityMa recherche porte sur les courants de sédiments sous-marins (nommés courants de turbidité) et les dépôts sédimentaires qu'ils forment dans deux fjords situés en Colombie Britannique, au Canada. Les courants de turbidité sont importants à comprendre pour de multiples raisons. Tout d'abord, ils peuvent représenter une menace pour les infrastructures installées sur les fonds marins (ex. oléoducs, gazoducs, câbles de télécommunication). Ensuite, ils sont capables de transporter d'énormes volumes de particules produites sur terre (carbone organique, nutriments, polluants) vers l'océan. Enfin, les dépôts sédimentaires résultant des courants de turbidité sont aussi largement reconnus comme étant des réservoirs potentiels de gaz et pétrole.

Comment as-tu décroché ta bourse de recherche ?

Mon projet de recherche bénéficie d'un financement complet qui a été obtenu par mes superviseurs avant que je postule (Matthieu Cartigny, Mike Clare, Esther Sumner et Pete Talling). Les trois principaux sponsors impliqués dans mon projet sont: l'Université de Southampton, la compagnie pétrolière ExxonMobil et la commission géologique du Canada. En plus d'une bourse personnelle de recherche, ces sponsors ont financé mes diverses campagnes en mer et analyses de laboratoire. Au cours de ma thèse, j'ai pu aussi obtenir des sources de financement additionnelles venant de l'International Association of Sedimentologists et du Woods Hole Oceanographic Institution afin de mener des analyses de géochimie.

Peux-tu nous expliquer en quelques mots en quoi celle-ci consiste ? Que fais-tu précisément ?

Ma recherche couvre trois facettes toutes liées aux courants de turbidité prenant place à Squamish et Bute, mes 2 fjords d'étude au Canada : 1) j'étudie quand et comment les courants de turbidité sont déclenchés en aval des rivières (Hage et al., in prep.) ; 2) j'analyse l'impact de ces courants de turbidité sur le fond marin des 2 fjords (Hage et al., 2018, Geology) ; 3) je caractérise les dépôts sédimentaires résultants, avec un intérêt particulier pour l'enfouissement du carbone organique (débris de bois et plantes) issus des rivières connectées aux fjords (Hage et al., in prep.).

Localisation de Squamish et Bute Inlet, mes 2 sites d’étude en Colombie Britannique, Canada Squamish, Colombie Britannique, Canada (CCGS Vector, Photo courtesy of S. Hage, M. Cartigny) Bute Inlet depuis le bateau de recherche, Colombie Britannique, Canada (CCGS Vector, Photo courtesy of S. Hage, M. Cartigny)

Afin d'investiguer ces domaines de recherche, j'utilise des données collectées par des instruments de haute technologie que l'on suspend à des bateaux de recherche. En particulier j'utilise des mesureurs de vitesse de courant ainsi que des échosondeurs pour réaliser des cartes de fond marin. Je travaille aussi en laboratoire de géochimie pour étudier la composition des sédiments inclus dans des carottes sédimentaires collectées dans les fjords.

Peux-tu nous décrire ton environnement de travail ? Qu'attend-on des PhDs ? As-tu remarqué des différences avec la Belgique ?

Mon environnement de travail est très varié. Je dispose d'un bureau fixe au NOCS dans lequel je passe ~50% de mon temps. Je passe les autres ~50% à voyager entre campagnes en mer au Canada, conférences, et programmes d'échange avec l'Université de Durham et le Woods Hole Oceanographic Institution dans le Massachusetts.

Ici au NOCS, on attend d'abord d'un PhD qu'il soit capable de mener une recherche scientifique de manière indépendante, ce qui passe par la publication d'articles scientifiques en tant que premier auteur. On attend ensuite d'un PhD qu'il partage ses compétences et sa recherche avec les étudiants du NOCS et à des conférences. Enfin, le NOCS étant un centre national de recherche pour l'océan, les PhD travaillant ici sont encouragés à diffuser leur passion pour l'Océan et sa protection lors d'évènements de sensibilisation ouverts au grand public.

Je pense qu'un doctorat en Angleterre facilite davantage des collaborations avec des universités et industries venant de pays anglophones, notamment Outre-Atlantique.

Décris-nous une de tes journées types habituelles.

Je dirais que je n'ai pas de journée type, chaque jour est différent pour moi... et j'aime ça! Dans mon bureau, j'analyse des données sur Matlab et ArcGis, je lis des articles, j'écris et je réalise des figures d'illustration de données. Sur le bateau de recherche, je surveille des écrans, je collecte et décris des carottes de sédiments, je contemple les ours et baleines depuis le pont supérieur en buvant une bière après le shift de nuit. Dans le laboratoire, ma patience est mise à l'épreuve lors des manipulations de composés chimiques. Lors de conférences, je présente ma recherche et discute avec des chercheurs qui travaillent sur des sujets voisins.

Collection de carottes de sédiments (©Commission Géologique du Canada) Analyses en laboratoire de Géochimie (©National Ocean Science Accelerator Mass Spectometry (NOSAMS) facility, Woods Hole Oceanographic Institution) Collection de carottes de sédiments (©Commission Géologique du Canada)

Quels sont tes projets pour le futur ?

Après la défense de ma thèse en été 2019 (je croise les doigts), mon idée est de continuer dans la recherche en sédimentologie et géochimie. J'ai l'ambition de travailler sur des sites d'études plus profonds que mes 2 fjords canadiens, tels que les canyons sous-marins du Congo, de Monterey et la Baie du Bengal. Je commence aussi à m'intéresser de plus en plus au transport du plastique dans ces canyons sous-marins. Je vais donc soumettre des demandes de financement pour une recherche postdoctorale dans différentes institutions et universités du monde.

Quels sont les points forts de ta formation à l'ULiège ?

Ma formation en sciences géographiques à l'ULiège m'a permis d'acquérir une série de compétences très variées et extrêmement utiles. D'abord l'apprentissage théorique et pratique de logiciels de cartographie tels que ArcGIS est un énorme atout. Ensuite, ma formation en géographie m'a permis d'apprendre à rédiger et présenter des petits projets sur toutes sortes de thématiques (ex. analyse des inégalités spatiales en Suède, reconstruction du passé glaciaire des Vosges, organisation territoriale du quartier Saint-Léonard). Tous ces projets ont toujours requis une acquisition de données brutes sur le terrain, que j'ai ensuite dû analyser, avant d'en réaliser des cartes et schémas à décrire sous forme de texte. Enfin, mon mémoire de master a été une excellente préparation à la recherche scientifique, encadrée par des promoteurs extrêmement motivants (Professeurs Aurélia Hubert-Ferrari et Fréderic Boulvain). J'ai eu la chance de collaborer avec des chercheurs de l'Université de Gand et de Bordeaux, ce qui fut un premier pas dans les échanges scientifiques.

Quels conseils donnerais-tu à un étudiant désireux de faire carrière à l'étranger ?

Passion, volonté et ouverture d'esprit : de bons ingrédients pour se lancer dans un job à l'étranger. Passion pour son travail. Volonté d'apprendre et de découvrir de nouvelles façons de faire. Ouverture d'esprit sur une culture différente de ses origines. Enfin, cela va paraitre un peu simpliste, mais je dirais que l'apprentissage de l'anglais est primordial pour entamer une carrière dans la science et à l'étranger.

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